L’Observatoire International des questions de droits (OID), a lancé le 30 mars 2024, un appel pressant lié au respect des droits de la dignité humaine en Côte d’Ivoire. Ce, relativement au cas des travailleurs dont celui de feu EFFOU Esso pierre, décédé le 12 décembre 2023 sous le poids de la pauvreté et dans l’incapacité de se soigner. Ce, suite à son licenciement sans l’intégralité de ses droits, par la société KATOEN NATIE. Une multinationale qui opère dans la filière du cacao à Abidjan et San-Pedro depuis 2005.
Ledit appel est allé selon les responsables de l’Oid au Ministère de l’emploi, au Bureau International du Travail, aux autorités compétentes et acteurs de la société civile. Il a été rendu public lors d’une conférence de presse organisée par l’observatoire, à l’Université de Cocody. « Que KATOEN NATIE paye l’intégralité des droits impayés des salariés licenciés le 30 septembre 2023 et trouve une solution à l’amiable avec ceux-ci. Notamment pour les paiements des dommages et intérêts liés aux préjudices subis par les salariés du fait des irrégularités commises à l’occasion de leur licenciement.», a réclamé Cyrille Konan, le secrétaire national chargé des relations avec les institutions de l’Etat et les entreprises à l’Oid.
Il a indiqué que l’OID se donne un délai d’observation d’une semaine à compter du lundi 1er avril 2024 afin d’apprécier l’écoute réservée à sa proposition. Selon lui, l’OID se réserve le droit de faire les diligences nécessaires afin de faire annuler le licenciement. Surtout pour motif économique d’une part et d’obtenir la réparation du préjudice causé aux travailleurs par voie judiciaire d’autre part. Ce, a-t-il précisé, à défaut de réponse de la part de KATOEN NATIE, ou en cas de réaction ne laissant présager aucune issue favorable pour le respect des droits des salariés.
Les faits de l’espèce selon le conférencier
La société KATOEN NATIE a succédé depuis 2003 aux défuntes sociétés UNICONTROL COMODY et UNIVEEM CI, en violation des dispositions en vigueur. A cette date, le Code du Travail en Vigueur (loi n°95-12 du 12 janvier 1995 portant Code du Travail) disposait en son article 11.8 que ‘’S’il survient un changement d’employeur, personne physique ou personne morale, par suite notamment de succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel entrepreneur et le personnel de l’entreprise’’ Elle a procédé à l’extinction, sans compensation, des anciennetés précédemment acquises par les travailleurs. Leur servant de nouveau contrats et des bulletins de paie avec des primes d’anciennetés minorée.
Poursuivant la défiance des lois établies par l’Etat de Côte d’Ivoire, la société a institué en son sein une règle applicable à tous les travailleurs. Laquelle règle engage tout travailleur journalier. Ceci, sur une période indéterminée et non considérée, quelle que soit sa durée, sans droit à la gratification ni aux congés payés. Selon ladite règle, l’ancienneté du travailleur, le droit aux congés et à la gratification commencent à courir à partir de la conclusion d’un contrat de travail à durée déterminée. Or, souligne, le conférencier, l’article 61.13 du code du travail dispose que chaque année, l’employeur a l’obligation d’informer les délégués du personnel de la situation de l’entreprise, notamment en leur communiquant les états financiers approuvés.
KATOEN NATIE sollicitait l’autorisation des inspecteurs du travail de Treichville et de San-Pedro pour licencier une centaine de ses salariés.
« Faisant fi de cette règle de transparence, ladite société n’a jamais communiqué ses états financiers aux représentants des travailleurs de sorte qu’elle pouvait prévaloir abusivement de motifs économiques pour licencier des travailleurs dont elle trouvait l’ancienneté gênante. Dans cet esprit qu’en Septembre 2023, arguant du motif économique, KATOEN NATIE sollicitait l’autorisation des inspecteurs du travail de Treichville et de San-Pedro pour licencier une centaine de ses salariés. Au nombre des motifs invoqués auprès des inspecteurs du travail, l’on note la baisse de son chiffre d’affaires que les travailleurs ont contestée au regard du fonctionnement à plein régime de l’entreprise.
Cependant, chacune des inspections du travail concernées, faisant fi des contestations des travailleurs pour autoriser la société KATOEN NATIE à autoriser le licenciement pour motif économique. Suite à cette autorisation, l’entreprise a servi, sans solde de tout compte, des montants dérisoires aux travailleurs congédiés pour motif économique. Ainsi que des certificats de travail et relevés nominatifs minorant leurs anciennetés, avant de procéder à leurs remplacements par le biais d’un entrepreneur de travail temporaire. Ce, en violation de l’article 18.9 du code du travail selon l’alinéa de l’article précité: « le travailleur congédié par suite de licenciement pour motif économique bénéficie pendant deux ans d’une priorité d’embauche dans la même catégorie d’emploi ».
Mieux, l’article 15.5 du code du travail, dispose que dans une entreprise où il a été réalisé un licenciement pour motif économique ne peut pourvoir les postes au moyen de contrat à durée déterminée. Sauf si la durée de ces contrats non susceptibles de renouvellement, n’excède pas trois mois. Défiant ces dispositions de la loi du travail, l’employeur a décidé de faire remplacer les travailleurs congédiés pour motif économique. Notamment par le biais d’une convention de prestation de service avec un entrepreneur de travail temporaire: la société SNS. Livrés à leur triste sort, les travailleurs lésés ont pu amèrement ainsi constater, la perte de leurs droits que l’Etat leur garantit. Ils n’ont eu le choix que de dénoncer les pratiques de la société auprès de l’observatoire international des questions de droits(OID).
KATOEN NATIE opte pour un statut de journalier et contribue à maintenir les travailleurs dans une totale précarité.
Sur cette dénonciation, l’OID informe avoir diligenté un groupe de travail. Celui-ci a procédé à un examen minutieux des griefs des licenciés ainsi que des pièces et documents qui les soutiennent. Au terme des travaux, il a été constaté effectivement que durant la relation contractuelle, l’entreprise a violé les dispositions de l’article 44 nouveau de la convention collective interprofessionnelle et de l’article 15.6 du code du travail. Maintenant les travailleurs, dans un statut de journaliers pendant plusieurs années. Sans droit aux congés payés, à la gratification et autres accessoires de salaires, contribuant ainsi à maintenir les travailleurs dans une totale précarité. Il est également ressorti de l’examen de la cause que la durée du service de ces travailleurs, en tant que journaliers, n’a pas été prise en compte dans leurs anciennetés. De sorte que les droits de rupture de leur contrat de travail ont été évalués sur des bases irrégulières. De même que leurs cotisations sociales et leurs certificats de travail non conformes aux dispositions de l’article 18.18 du code du travail.
Illustration sur l’ancienneté réelle non prise en compte chez les travailleurs.
Monsieur KLE Célestin est engagé verbalement en 2003 en qualité d’analyse par la société UNICONTROL qui devient KATOEN NATIE en 2009. Il lui est proposé un contrat de travail faisant fi des années antérieures de service auprès de la société à laquelle elle a succédé. Ses dernières fiches de paie avant son licenciement en septembre 2023 indiquent une ancienneté de 7 ans. Son certificat de travail lui reconnaît une ancienneté de 14 ans, tirée de la date de la signature de son contrat en 2009. Et pourtant, sa vraie ancienneté est de 20 ans à partir de l’année 2003 où il a été engagé.
Quant à Gnoleba Doh Guy Franck recruté par UNICONTROL d’alors, son certificat de travail indique l’année 2012 comme sa date d’embauche. Cependant, une attestation de travail datée de 2015 prouve qu’il a été recruté en 2008. Paradoxalement, ses bulletins de paie de l’année 2023 indiquent une ancienneté de 7 ans et le solde de tout compte indique un calcul de ses droits sur la base d’une ancienneté de 11 ans
Des pécules contre renonciation à leurs droits
A en croire le conférencier l’Oid a entrepris des démarches en vue d’un règlement à l’amiable entre KATOEN NATIE et ses ex-salariés. Contribuant même à prouver les preuves de réclamations des ex-travailleurs. « KATOEN NATIE persiste dans la défiance des lois prescrites par l’Etat de côte d’ivoire en violant les dispositions de l’article 18.9 du code du travail. Elle met à rude épreuve la souveraineté des lois de Côte d’ivoire. Tentant d’exploiter la situation indigente des travailleurs en l’appelant individuellement à se rapprocher de la direction des ressources humaines pour recevoir des pécules contre renonciation à leurs droits. Là où il lui est demandé de procéder à la réparation du tort causé aux travailleurs. », a-t-il informé. Pour l’Oid, KATOEN NATIE sera tenue responsable des préjudices dont ses agissements ont causés et continuent de causer aux travailleurs.
Perez E.